Notice de présentation

Henriette Maréchal est la pièce la plus célèbre des Goncourt, probablement moins pour sa valeur dramatique et littéraire et son impact sur les expériences qui lui ont succédé, que pour le bruit qu’elle a suscité.

Edmond de Goncourt ne semble pas exagérer quand il écrit dans son Journal « Au fond, la critique dira tout ce qu' elle voudra, elle ne pourra empêcher que les deux pièces qui ont fait le plus de bruit dans la seconde moitié du XIXe siècle ne soient  HENRIETTE MARÉCHAL  et  GERMINIE LACERTEUX. » [1] La pièce est certes absente des anthologies et des manuels scolaires, mais il est rare qu’une histoire du théâtre français du XIXème siècle ne la mentionne : elle constitue l’emblème d’une époque et d’un mouvement : le théâtre naturaliste.

Notre histoire de la pièce

Il s’agit de la première expérience sérieuse des Goncourt dramaturges. Les Goncourt tentent de la faire jouer au Vaudeville, mais le directeur de ce théâtre la refuse en un premier temps. Par un coup de tête et sans trop y croire, ils la proposent au directeur du Théâtre-Français. Se voyant acceptés, par un concours de circonstances dans les deux théâtres en même temps, les deux frères, surpris, flattés et toujours peu convaincus que leur pièce ressemble au répertoire de « la Maison de Molière », ne peuvent refuser l’opportunité de s’y faire jouer.

Le 5 décembre 1865 a lieu la première tumultueuse d’Henriette Maréchal. Pour des raisons multiples, la pièce est sifflée pendant toutes ses représentations et attaquée aussi bien par les journaux de droite et de gauche. Sous la pression, elle est retirée le 15 décembre après six représentations.

Elle sera reprise par Porel au théâtre de l’Odéon le 3 mars 1885, elle n’a globalement pas de succès mais ne suscite pas non plus de passions ennemis.

La pièce sera par ailleurs publiée par Edmond dans une édition du  théâtre de 1863: édition regroupée de La Patrie en Danger et d’Henriette Maréchal.

Les Sources de la documentation

L’essentiel de la documentation autour d’Henriette Maréchal réside dans les textes des Goncourt eux-même et principalement dans le texte appelé « Histoire de la pièce ». D’autres textes, comme la préface, l’introduction à leur théâtre, établie par Edmond, ainsi que la préface de Germinie Lacerteux, apportent des précisions sur les circonstances de la genèse et la représentation de l’œuvre. Le Journal et la correspondance restent néanmoins une source incontournable de documentation.

Il est par ailleurs important d’examiner la presse de l’époque, particulièrement riche en critiques et commentaires. L’ouvrage de Maurice Descotes : Histoire de la critique dramatique en France propose une précieuse revue de la presse de l’époque.

Des ouvrages critiques ainsi que des extraits obtenus par la Base de Donnée Textuelles : FRANTEXT, ont largement enrichi ce résumé.

 voir Bibliographie

Ce qu’en pensent les Goncourt

Les préfaces

Histoire de la pièce

Ce document, daté du 12 décembre 1865,  est apparu pour la première fois dans l'édition originale de la pièce (Librairie Internationale, 1866), dont il sert de préface ; il est mentionné dans le Journal comme ayant fait plus de mal que de bien. 
"Thierry est venu ce matin chez nous. Il avait reçu le premier exemplaire de notre préface, la veille. J'ai compris de suite, à première vue, que notre préface avait tué notre pièce." (15 décembre 1865)
Cette préface sera reprise dans les éditions postérieures ainsi que dans l'édition du Théâtre et dans le volume : Préfaces et manifestes littéraires. peu de corrections y sont apportées (une signalée par les Goncourt, et une autre dans la liste des personnes remerciées par les auteurs.). elle est suivie par un appendice.

appendice

préface 1885

Préface au théâtre

dans sa Préface au Théâtre (Charpentier 1879),Edmond revient sur les critiques qui leur ont été adressés, et se défend de n'avoir inventé que la scène du Bal masqué. Le reste n'est que réalité. "Au fond, écrit-il, nous avons échoué au Théâtre-Français pour les crimes d'être des réalistes, et sous l'accusation d'avoir fait une pièce réaliste."

Extraits du Journal

Les Goncourt, face à l’échec de la pièce, semblent très affectés. Il s’agissaient pour eux d’un rêve ancien, qu’ils croyaient pouvoir réaliser modestement en proposant leur pièce au Vaudeville. Le rêve leur échappe par un accomplissement qui semble féerique avec la proposition de Thierry de faire jouer Henriette Maréchal au Théâtre-Français. Les doutes du début se transforment peu à peu en espoir et les deux frères finissent par croire que leur pièce est non seulement jouable au Français mais qu’elle serait une réussite; en témoignent les récits des répétitions. La nuit du 5 décembre transforme le rêve en un  cauchemar ; et les pages du Journal de cette fin de l’année 1865 trahissent une vraie douleur, une amertume et une colère peu masquées.

Henriette Maréchal sera pour les Goncourt et au fil des pages de leur Journal, au cœur de leur expérience du Théâtre, un point noir qui reviendra chaque fois que les deux frères, ou le survivant évoqueraient le théâtre, la malchance ou les complots. Edmond va même jusqu’à tenir les détracteurs de leur pièce pour responsables de la maladie et la mort de son frère.

Extraits de la correspondance

Ce qu’en pensent les autres

Dossier de presse

Citations critiques

En résumé

Les raisons de l’échec des Goncourt semblent relever de trois catégories :

  1. Politique : Il s’agit d’une cabale organisée par les républicains et les opposants au pouvoir, ayant pour chef de fil Pipe-en-Bois, contre les rapports intimes des Goncourt avec le Princesse Mathilde. Leur objectif est de faire tomber la pièce en la sifflant en salle et en l’attaquant dans la presse. Leur argument est que la Censure qui interdit des pièces moins immorales que celle-là devraient intervenir pour arrêter Henriette Maréchal et que si ce n’était la protection des autorités, une telle œuvre n’aurait pu être jouée dans le plus prestigieux des théâtres.
  2. Sociale et  morale : La pièce est jugée immorale et choquante à la fois par :

-         la société de l’époque : l’adultère non justifié, les amours d’une mère bourgeoise et respectueuse pour un adolescent et le meurtre ne peuvent être que châtiés et critiqués. La pièce ne semble pas, selon ce public, blâmer assez ces faits et comportements.

-         Et par le public du Théâtre-Français, habitué à y assister à des pièces classiques et ne pouvant tolérer la mise en scène du Bal de l’Opéra, ni les insultes blessant sa morale et sa culture.

  1. Littéraire et dramatique : La pièce est jugée sans intérêt  et ennuyeuse ; elle est pleine de ficelles et invraisemblable, mêlant situations irréelles, intrigue banale et dénouement peu préparé. Le premier tableau et le coup de pistolet final n’ont aucune justification que celle de choquer. Or rien ne légitime ce choc puisque les Goncourt, peu expérimentés (et par ailleurs excellents dans d’autres domaines _ ce qui justifie encore moins leur intrusion dans le cercle sacré du théâtre), n’ont fait que reproduire moins bien des situations et des intrigues déjà rencontrées.

Ainsi, lors de la reprise de la pièce par le directeur de l’Odéon, seule la troisième critique, réelle et légitime est réapparue : la pièce est accueillie globalement par une indifférence et ses représentations se caractérisent par une ambiance languissante et ennuyée. Cette pièce, à laquelle on a attribué tant de critiques, ne semble avoir qu'un seul défaut: c'est la première expérience de théâtre, une expérience qui, de l'avis même de l'un de ses auteurs, n'a osé qu'effleurer  toutes les innovations que les Goncourt rêvaient.

 

 

 

 

 

[1] Le Journal, tome III, 1er janvier 1889 (p. 209)