Préface à Manette Salomon
Je disais dans un interview à un écrivain de la Libre Parole, à M. Gaston Méry :
« Vous ne m’en voudrez pas... J’ai été au moment de vous écrire de ne pas venir, parce que je trouve ma pensée assez écrite dans mon livre et dans ma pièce, et que l’accuser plus, me semble de mauvais goût.
« Enfin voici... j’ai eu, et j’ai encore des amitiés avec des Juifs, très aimables, très séducteurs, très enthousiastes de mon talent... Non, non, je n’ai pas la haine des individus, mais j’ai peur de la race, de cette race qui a incontestablement des aptitudes très supérieures aux races aryennes, pour gagner de l’argent, pour conquérir le capital... Et l’argent, en ce dix-neuvième siècle, en ce temps où il n’y a plus d’aspirations, désintéressées, religieuses, héroïques, l’argent, n’est-ce pas, est le facteur du gouvernement, du mode social, de la paix, de la guerre, de tout ; il est la puissance souveraine. Or, si, depuis un siècle, les Juifs ont pris cette influence dans le gouvernement, ont pu occuper toute la grande propriété seigneuriale des environs de Paris, ont acquis la plus grande partie du capital mobilier, qu’est-ce qu’ils seront, à la fin du vingtième siècle ? ils seront les marquis de l’argent de la France, au-dessus d’une population de catholiques miséreux qu’ils tiendront dans l’asservissement.
« Oh ! je n’exige pas qu’ils soient pendus, fusillés _ un jour seulement, en plaisantant, j’ai demandé, dans mon Journal, que la famille Rothschild fût habillée en jaune, _ mais je voudrais qu’il soit pris des mesures, qu’il soit fabriqué des lois, pour les empêcher d’arriver à l’accaparement de toute la richesse nationale... ça, toutefois, ce n’est pas mon affaire, je ne puis que combattre avec la plume du romancier et de l’auteur dramatique.
« Oui, les cent représentations de MANETTE SALOMON, c’est douteux... Les Juifs se défendent, _ c’est leur droit, _ ils se défendent habilement. Ils se sont bien gardés de siffler ; mais ils usent de toute la puissance qu’ils ont sur la critique, et j’ai lieu de croire que ma pièce n’aurait pas été trouvée, par une partie de cette critique, tellement mal faite, tellement dénuée de toute composition, tellement ennuyeuse _ ennuyeuse, cette pièce, où tout le temps le jeu de Galipaux amène le rire, _ si la pièce n’était pas une pièce antisémitique.
« Du reste, si vous me jurez votre parole de ne pas nommer l’écrivain et le journal, je puis vous faire lire cette lettre. »
Et je donne à lire une lettre à M. Gaston Méry, où l’auteur de l’article, un auteur très connu, se plaint d’avoir eu son article amputé de la partie exaltant la scène du lingot, jeté à la Juive, proclamant la justesse prophétique du roman, et où il m’annonce pour le lendemain l’envoie du manuscrit de sa copie.
J’ajoute : « Vous voyez qu’il y a eu dans l’article, une suppression de toute la partie louangeuse du compte rendu... Ce que je ne trouve pas gentil de la part du journal, c’est de ne pas avoir supprimé tout l’article et d’avoir seulement laissé le commencement ‘une conversation de corridor), qui peut paraître un blâme de la pièce... Si ce petit fait s’est passé dans tel journal, il y a à penser qu’il y en a eu beaucoup de pareils ou du même genre dans d’autres journaux. »
Et, à la demande de M. Gaston Méry, si je ne vais pas protester publiquement, je réponds :
« Non, maintenant je n’ai plus rien à faire ; c’est aux catholiques d’empêcher que la pièce ne soit étouffée par les manœuvres souterraines des Juifs. » »
Edmond de Goncourt
Auteuil, 15 mars 1896.