Il s'agit d'un résumé critique (plutôt négatif) de la pièce, rédigé par  Camille Lesenne  dans le Théâtre à Paris,

Premier tableau :

" Mademoiselle de Varandeuil, fille presque octogénaire, n’ayant pas grand’chose de l’opulence de sa famille qui possédait le château de Clichy-la-Garenne avant la grande révolution _ disons à titre d’indication générale que la pièce se passe en 1849 _ reçoit dans le très modeste entresol où elle mange quelques pauvres rentes la visite d’un Saint-Cyrien, peut-être un petit cousin, peut-être un filleul, peut-être seulement le fils d’une ancienne amie.

Le Saint-Cyrien est venu prendre des nouvelles de la demoiselle ; celle-ci, un peu surprise, profite de la circonstance pour faire un peu de radotage sentimental. Ceci nous intéresserait à la rigueur (…). En fait, il ne sert, ce Saint-Cyrien qui ne dit pas son nom et qu’on ne reverra pas qu’à mettre la conversation sur Germinie Lacerteux, la bonne, une drôle de fille à la tête de girouette, qui sert Mademoiselle de Varandeuil depuis quinze ans ! il paraît qu’elle était toute à la dévotion et même qu’elle revenait du confessionnal lors de la dernière visite de l’anonyme visiteur. Or voici qu’elle se montre en robe blanche décolletée, en tenue de bal au Moulin de la Galette. C’est bien là qu’elle va pincer « un rigodon » avec l’autorisation de Mademoiselle, et comme Mademoiselle le dit elle-même dans ce grand style familier, s’il faut en croire les chroniqueurs, aux nobles dames du XVIIIe siècle et qui me paraît le plus clair héritage de sa famille. Le vent a tourné. Tout à la noce ! Le Saint-Cyrien témoigne une surprise discrète et s’en va.

Restée seule avec Germinie, la bonne dame flaire un danger et fait sa petite enquête sans avoir l’air d’y toucher : « As-tu au moins un cavalier pour te conduire au bal. _ Mais oui, le fils Jupillon. _ Oh ! Mademoiselle, ce n’est plus un enfant. C’est un grand jeune homme maintenant. Il est coupeur de gants. »

Ce coupeur de gants ne dit rien qui vaille à Mlle de Varandeuil. Comme le dit, ou à peu près, la chanson. C’est par les gants qu’on commence, c’est par la vertu des petites bonnes qu’on finit. Aussi croit-elle devoir prévenir Germinie :

« Si tu te maries, je ne te garde pas ; ouste ! je n’ai pas envie de devenir la bonne de tes mioches. » Germinie proteste et s’esquive avec, dans les jambes, tout un lot de fourmis. Mlle de Varandeuil restée au coin du feu, émet quelques considérations physiologico-psychologiques « Pauvre Germinie ! elle a les foies blancs. Ah ! je crois qu’ils appellent ça hystérie. Tout de même qu’il en soit comme Dieu a voulu, la pauvre fille a un gros fond de tendresse à placer. »

Deuxième tableau : 

Germinie a les foies de plus en plus blancs. Aussi s’échappe-t-elle de temps à autre pour aller se promener avec Jupillon dans l’abominable compagne semée de coquilles d’huîtres et fleurie de lampions empestant le suif, qui s’étend devant les fortifications. Elle est pleine d’imagination, cette Germinie ; elle trouve adorable Jupillon, qui a l’air d’un bookmaker de derrière marque ; elle croit même sentir « la chatouille du blé »  Levallois et ses bas, comme aurait dit Commerson. Du blé ! ma pauvre Germinie, à la porte de Paris ! Ce serait tout au plus du seigle ! Au fond et en fait, ce n’est que de l’ivraie.

Germinie résiste encore ; elle a accordé tout, excepté , comme dit l’autre. Mais il suffit que « la grande  une bonne du quartier Saint-Georges, passe par hasard et dénonce à sa camarade le flirtage de Jupillon avec une cocotte du quartier pour déterminer la chute de la marguerite du torchon dans du Faust de la gan

Troisième tableau :

a la Boule-Noire. C’est la nuit de , du nouveau Faust, mise au point natura   Jupillon a donné rendez-vous à quelques filles appartenant à la dernière catégorie sociale. Germinie le surprend au milieu de cette distraction qui remplace le bal masqué de l’Op »ra. Elle surgit absolument comme le fantôme    et la féerie disparaît. Traduction libre : Jupillon se décide à sortir et le rideau tombe sur le décor de la Boule-Noire.

Quatrième tableau :

Un magasin de ganterie que Germinie  a loué et meublé pour Jupillon ac=vec ses économies de la Caisse d’épargne. Le coupeur de gants s’y   avec sa mère, la crémière, une abominable créature qui étudie les moyens d’accepter le cadeau de Germinie, puis de la mettre à la porte. Plan concerté entre la mère et la fils ; le soir même, on invitera la pauvre à dîner ; au dessert Mme Jupillon l’invitera à confesser sa faute, puis, carrément, lui reprochera d’avoir débauché son fils… Justement elle arrive, l’infortunée Germinie elle vient annoncer à Jupillon qu’elle est enceint de ses œuvres et elle compte bien profiter de l’occasion pour se faire épouser. Là-dessus, invitation à dîner, c’est-à-dire première mise en exécution du plan de rupture Germine part enchantée, pendant que Jupillon soupire philosophiquement : « en v’là une, la pauvre fille, qui peut se vanter d’être la sœur de c’t’autre qui avait tatoué sur le front : « Pas de chance ! »

Cinquième tableau :

Un dîner chez Mlle de Varandeuil qui reçoit ses arrières petits enfants. Elle raconte un interminable conte à des pauvres babys qui seraient bien mieux au dodo. Tout à la fin du tableau nous revenons enfin au drame. Germinie a cru qu’elle allait mourir servant le déjeuner, les dernières douleurs de l’enfantement la torturent. Le repas fini, elle va partir en fiacre et se rendre chez une sage-femme, quand Jupillon vient lui faire un petit emprunt. Un billet à payer, plus de crédit nul part ! Germine lui donne son porte-monnaie. Elle ira accoucher à la Maternité, la bourbe, en argot faubourien.

Sixième tableau :

Dans la crèmerie Jupillon. Germinie a eu des malheurs pendant l’entracte. Jupillon l’a décidément lâchée et elle a perdu son enfant, une petite fille. Et elle n’en apporte pas moins au coupeur de gants les deux mille frandc dont il a besoin pour se racheter du tirage au sort. De l’argent emprunté à tous les fournisseurs. Jupillon l’accepte avec un peu d’embarras : « Nous te le rendrons bientôt. » Mais Germinie, l’imaginative Germinie du tableau des fortifications, est bien changée. On ne la lui fait plus aux belles promesses. Elle se sacrifie pour se sacrifier, sans espoir de récompense : « Tu ne me le rendras pas plus que l’autre, mon pauvre ami. Cet argent-là, vois-tu, regarde-le bien, va être mon maître, et un dur maître. Il m’a fait le chien soumis de tous ceux qui m’ont prêté. Oui, pour toi j’ai signé ma misère éternelle. »

Septième tableau :

A la porte d’un cabaret de barrière. Germinie, abandonnée une troisième fois par Jupillon, a pris un amant de rencontre, un peintre en bâtiments du   de Médéric Gautruche, ivrogne demi-pénitent qui s’est attaché à cette bonne fille et lui propose de se mettre en ménage avec elle. Naturellement elle quitterait Mlle de Varandeuil. Indignation de Germinie : « Quitter Mademoiselle ! Ah ! bien… Voilà quelqu’un qui m’a aimée, mademoiselle ! Ah ! bien, mademoiselle. Oh ! oui, aimée et je meurs de ça, sais-tu, d’être devenue une misérable comme je suis ! » Médéric Gautruche répond avec un réel bon sens _ c’est le personnage le plus lucide de la pièce, cet ivrogne de Gautruche : _ « Quand on l’aime tant que ça, sa demoiselle, on retourne coucher chez elle ! _ C’est mon congé ! _ ça y ressemble. »

Restée seule Germinie aperçoit dans le cabaret de barrière Jupillon attablé avec des filles. Et c’est le grand monologue qui résume toute l’existence de Germinie, ses cascades successives d’un entracte à l’autre. Jupillon, c’est mon amant de malheur, cet homme pour lequel, si on prêtait dessus,  j’aurais mis ma peau au Mont-de-Piété. » Il sort du caboulot l’amant de malheur, et Germinie se jette sur lui en réclamant son argent. Il se défend par la douceur : « Ton argent, il n’est pas perdu, je te le rendrai. Calme-toi, sois gentille ! » Mais l’exaltation de Germinie tourne à la folie furieuse. Elle s’accuse d’avoir volé sa maîtresse, elle ameute les passants. Enfin la police arrive, un sergent de ville empoigne la cuisinière hystérique. « Allons, vieille pocharde, n’embêtez pas monsieur qui ne vous dit rien. »

Huitième tableau : 

A l’hôpital, Germinie agonise  par la phtisie et l’alcoolisme, entre les dernières tendresses de Mlle de Varandeuil et les obsessions des nombreuses créanciers qui viennent surveiller ses derniers moments.

Neuvième tableau :

la fosse commune ; Mlle de Varandeuil essaye, en vain, de reconnaître au milieu des serrées comme les épis d’une moisson funèbre, la place où dort l’infortunée Germinie. Elle se résigne, après avoir invectivé Paris coupable de jeter ses morts gouffre de l’inhumation en tranchée. « Allons ! prions, au petit bonheur ! » Et le rideau tombe pour la dernière fois. (...)